1. Impôt préalable fictif et imposition de la marge

Tout d’abord, il convient de distinguer l’impôt préalable fictif (ci-après : IPF), qui peut être déduit à certaines conditions (art. 28a LTVA), de l’imposition de la marge (art. 24a LTVA), qui le complète en quelque sorte mais qui ne s’applique qu’à certains types de biens.

En effet, tandis que l’imposition de la marge concerne uniquement les « pièces de collection » au sens large (œuvres d’arts, antiquités et objets analogues, voir également art. 48a OTVA), et constitue, comme son nom l’indique, une imposition de la marge effectuée lors de la revente (prix de vente – prix d’achat), la déduction de l’IPF permet de déduire un impôt préalable hypothétique en cas d’opération avec un non-assujetti afin d’éviter une double imposition économique.

Depuis le 1er janvier 2018, l’imposition de la marge remplace purement et simplement la déduction de l’IPF en ce qui concerne les biens précités et, pour cette raison, l’application de l’imposition de la marge à ces biens exclut tout droit à la déduction de l’impôt préalable fictif (art. 28a al. 3 LTVA).

Ainsi, l’impôt exercé en application du système de l’imposition de la marge permettra de calculer l’impôt sur la seule marge effectuée, à condition qu’aucun impôt préalable n’ait été déduit au moment de l’achat (impôt préalable ou IPF).

En ce qui a trait à la déduction de l’IPF, celle-ci peut être appliquée si (art. 28a al. 1 LTVA) :

  1. L’assujetti acquiert, dans le cadre de son activité entrepreneuriale donnant droit à la déduction de l’impôt préalable, un bien mobilier identifiable, et
  2. Aucune TVA n’est transférée de manière apparente lors de l’acquisition du bien (voir aussi art. 48c OTVA).

Attention tout de même aux exclusions de la déduction de l’IPF dans certains cas prévus à l’art. 63 al. 2 et 3 OTVA.

Précisons que, d’une part, l’indication selon laquelle le bien en question devait être livré à un acquéreur en Suisse a été supprimée (au 1er janvier 2018), l’on peut donc sans doute partir du principe que ça n’est plus une condition, et que, d’autre part, il faut qu’il s’agisse d’un « bien mobilier identifiable ».

A cet égard, l’OTVA détaille que la déduction de l’IPF est admise « lorsque seuls des biens mobiliers identifiables sont acquis à un prix global » (art. 63 al. 1 OTVA). La doctrine ne mentionne pas les prestations de services et, logiquement, à lecture de la loi, l’on peut conclure que l’IPF ne s’applique pas aux prestations de services. En outre, aucune jurisprudence ne semble exister à ce sujet.

La déduction de l’impôt préalable en application de la déduction de l’IPF aux conditions susmentionnées est possible, uniquement sur des biens mobiliers identifiables, acquis à un prix global. L’IPF sera calculé sur le montant payé lors de l’achat par l’assujetti.

2. Les loyers commerciaux : imposition volontaire du bailleur et déduction de l’impôt préalable par le locataire

Deux cas de figures (pour être exhaustif) :

  1. Le local commercial est loué par un bailleur non-assujetti : évidemment ici, pas de TVA, pas de déduction de l’impôt préalable.
  2. Le local commercial est loué par un bailleur assujetti : en principe, effectivement, les loyers sont hors-champ de la TVA (art. 21 al. 2 ch. 21 LTVA). Cependant, le bailleur peut choisir l’imposition (art. 22 LTVA) afin de « rentrer dans le système » et bénéficier de ce qui en découle, notamment la déduction de l’impôt préalable.

Dans cette optique, il faudra bien déclarer la TVA sur la facture ou le contrat de bail et également, pour un transfert effectif de la TVA sur le locataire, l’inclure par une clause contractuelle. Attention cependant aux bailleurs qui établissent leurs décomptes selon le taux de la dette fiscale nette ou des taux forfaitaires ; ceux-là ne pouvant choisir l’option de l’imposition volontaire1.

Par conséquent, lorsqu’une imposition volontaire est ouverte au bailleur et qu’elle est exercée par ce dernier, le locataire pourra bénéficier de la déduction de l’impôt préalable supportée sur les dépenses en lien avec l’immeuble loué selon son droit à la déduction de l’impôt préalable. De plus, l’on pourra envisager un dégrèvement ultérieur de l’impôt préalable au sens de l’art. 32 LTVA, dans le cas où les conditions à la déduction de l’impôt préalable sont remplies ultérieurement.

Pour conclure, le locataire dont le bailleur a choisi l’imposition volontaire à la TVA pour des loyers commerciaux peut déduire l’impôt préalable selon son droit à la déduction de l’impôt préalable.

Auteur: Pierre-Alexis Remondin, 05 Mai 2022