Il est vrai qu’à Genève les prix des loyers sont élevés et la tendance est à la hausse. Il arrive alors que dans l’urgence, familiale ou personnelle, une personne à la recherche d’un logement se voie dans l’obligation de conclure un contrat de bail qui lui est peu favorable.  Dès lors, plusieurs questions peuvent se poser. Le prix de votre loyer se justifie-t-il  ? Pouvez-vous le contester ? Nous présenterons dans cet article les concepts centraux au cœur des réponses à ces interrogations.

I. Contestation du loyer initial

Selon l’art. 270 al. 1 CO, lorsque le locataire estime que le loyer initial est abusif (art. 269, 269a CO)1 et que l’une des conditions de la let. a ou b est remplie, il peut le contester et en demander la diminution devant l’autorité de conciliation dans les 30 jours qui suivent la réception de la chose. 

Le locataire a le fardeau de la preuve et devra prouver l’une des trois conditions mentionnées à la let. a et b2 :

  • Il a été contraint de conclure le bail par nécessité familiale ou personnelle. Cela peut être dû à un divorce, une naissance, une situation financière précaire, un changement du lieu de travail, un problème de santé, etc. De plus, il ne pouvait pas raisonnablement renoncer à la proposition de conclure le bail en raison de la contrainte.
  • Il a été contraint de conclure le contrat en raison de la situation du marché local, c’est-à-dire la pénurie de logements. 
  • Enfin, le bailleur a augmenté le loyer (de 10% ou plus) par rapport au précédent locataire, pour la même chose louée. 

Lorsque le locataire a prouvé que l’une des conditions des let. a et b est remplie, il doit prouver le caractère abusif du loyer. 

II. Définition du loyer abusif

Au sens de l’art. 269 CO, le loyer est considéré abusif lorsque le bailleur obtient un rendement excessif de la chose louée (hyp. 1), ou lorsqu’il résulte d’un prix d’achat manifestement exagéré (hyp. 2). Cette disposition est de droit impératif, c’est-à-dire que les parties ne peuvent pas y déroger3. Nous allons nous focaliser sur la première hypothèse. 

Pour savoir si un rendement est excessif, l’on doit prendre en compte uniquement le rendement net des fonds propres investis4. Pour le calculer, sept étapes doivent être respectées, celles-ci provenant par ailleurs de la jurisprudence5.

  • Premièrement, l’on doit déterminer tous les coûts d’investissement effectifs de l’immeuble. Il faut prendre en compte le prix d’acquisition, le coût de la construction ou le prix de l’achat de l’immeuble construit, ainsi que les travaux à plus-value, à l’exception des coûts d’entretien.
  • Deuxièmement, une déduction des fonds empruntés (fonds étrangers) doit être faite. Cela permet d’obtenir le montant des fonds propres investis.
  • Troisièmement, les fonds propres doivent être réévalués entre la date de l’investissement et de fixation du loyer initial. La réévaluation se fait selon l’évolution de l’indice suisse des prix à la consommation (augmentation en %) entre les deux dates.
  • Quatrièmement, il faut appliquer à ces fonds réévalués le taux de rendement admissible. À l’heure actuelle, celui-ci se définit par le taux d’intérêt hypothécaire de référence augmenté d’un taux n’excédant pas 0,5%.
  • Cinquièmement, l’on ajoute à ce calcul les charges immobilières annuelles. Notamment les intérêts hypothécaires dus sur les emprunts, ou encore les charges courantes et entretiens.
  • Sixièmement, il faut ventiler ce montant, appartement par appartement. Cela doit être distribué de façon proportionnelle au nombre de volumes et de pièces pour chaque logement.
  • Septièmement, l’on compare le loyer obtenu et le loyer actuel.  

Ces sept étapes vont donc permettre de savoir si le loyer litigieux est abusif ou non. 

III. Conclusion

Au vu de notre analyse, pour contester un loyer initial, des conditions strictes développées par la loi et la jurisprudence doivent être réalisées. Chaque étape doit être examinée avec une attention particulière pour arriver à un loyer abusif.

Dès lors, il est hautement recommandé au locataire d’être prudent lors de son choix de bail et en cas de loyer abusif, d’agir au plus vite dès réception de la chose devant l’autorité compétente, soit l’autorité de conciliation. 

Auteurs: Mathis VANDY et Léo MAZZONI, 29 Juin 2022

1Cf. infra p. 2.

2CR CO I- Lachat, CO 270 N 5.

3ATF 133 II 61, consid. 3.2.2.2.

4ATF 141 III 245, consid. 6.3.

5Arrêt du tribunal fédéral 4A_239/2018 du 19 février 2019, Consid. 5.2.2.