La crise sanitaire a engendré des difficultés pour toute la population. Que ce soit socialement ou professionnellement, la société a dû s’organiser face au coronavirus. Les employeurs s’interrogent autant que les employés, mais pas pour les mêmes raisons. Tandis que les premiers dépendent de l’activité de leur entreprise et se battent pour éviter la faillite, les seconds craignent l’arrêt de leur travail et se sentent vulnérables face aux mesures prises aux fins d’endiguer la pandémie.

Les travailleurs, durant cette laborieuse période, ne sont pas pour autant délaissés et abandonnés, mais bénéficient toujours de droits ancrés dans la législation. Que ce soit à propos du maintien de leur salaire, de la charge de travail accrue pour le personnel en bonne santé en raison d’autres collègues malades, ou encore de la faillite de leur employeur, les salariés sont épaulés par le droit, qui s’adapte et reste debout afin de permettre au mieux, à chacun d’eux, de traverser ces temps tumultueux.

Dans cet article, nous exposerons de manière générale, les droits et moyens particuliers conférés aux travailleurs salariés en cas d’arrêt maladie, mais également ceux découlant du  chômage partiel.

I. Arrêt maladie

a) Définition et obligation du travailleur salarié

Le terme “arrêt maladie” est une incapacité de travail due à la maladie. La notion de maladie est, selon la doctrine, la même en droit du travail qu’en droit des assurances sociales, à savoir “toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail​” (art. 3 LPGA ; RS. 830.1).  Il faut garder à l’esprit qu’en Suisse, la perte de gain découlant d’un arrêt maladie est prise en charge par l’employeur et non par l’assurance-maladie. De ce fait, différents devoirs et droits figureront probablement dans le contrat de travail en lien avec une incapacité de travail due à la maladie.

En effet, certaines dispositions du droit du travail figurant dans le Code des obligations du 30 mars 1911 (RS. 220) sont semi-impératives, c’est-à-dire que l’on peut valablement y déroger en faveur du travailleur. Le contrat de travail ou la convention collective de travail (CCT) conférera donc au salarié au moins des prestations équivalentes à celles posées par la loi.

Dans ce cadre, il se peut que le contrat de travail prévoit des modalités particulières en cas d’incapacité de travail due à la maladie. Une convention collective de travail peut également élargir les droits du travailleur ou poser certaines conditions.

En cas de maladie et si, par exemple, le travailleur a été infecté par la Covid-19 et se retrouve de ce fait en incapacité d’exercer son activité, il doit tout d’abord informer l’employeur de sa situation, notamment en lui présentant un certificat médical. Ce certificat sera généralement exigé dès le troisième jour d’arrêt, mais peut également l’être dès le premier jour si une CCT le prévoit.

b) Perte de gain découlant de l’arrêt maladie (maintien du salaire)

En cas d’arrêt maladie, il convient de distinguer deux cas : l’employeur a souscrit à une assurance indemnités journalières ou il ne l’a pas fait.

En cas de souscription par l’employeur à une assurance indemnités journalières :

La loi n’oblige aucunement l’affiliation à une telle assurance, mais cette dernière est souvent convenue dans le contrat de travail ou une CCT, dans l’intérêt des deux parties.

En général, cette assurance couvrira le paiement du salaire à hauteur de 80%, mais cela peut varier et certaines assurances versent 100% du salaire. À ce stade, la police d’assurance et les conditions générales seront déterminantes pour connaître les prestations particulières dont bénéficie le travailleur malade. De plus, bien que recevant en général seulement 80% de son salaire dans le cadre de l’assurance indemnités journalières, le travailleur sera couvert pendant une durée pouvant aller jusqu’à 720 jours. Au-delà, il sera probablement considéré comme invalide.

L’obligation pour l’employeur de verser le salaire s’éteint à partir du moment où l’assurance indemnités journalières verse le salaire à hauteur de 80%. Par conséquent, il est évident que le travailleur ne pourra pas cumuler les deux prestations.

Aucune assurance indemnités journalières n’a été souscrite :

Dans un tel cas, la réglementation légale intervient.

L’art. 324a CO est clair et comporte deux éléments importants : le versement du salaire “pour un temps limité” et à la condition que les rapports de travail aient duré plus de trois mois ou aient été conclus pour plus de trois mois.

L’employeur doit verser au travailleur en arrêt maladie son salaire intégral pour “un temps limité”. L’art. 324a al. 2 CO prévoit que, sous réserve de dérogations conventionnelles plus favorables au travailleur, le salaire devra être versé dans son intégralité au moins pour trois semaines lors de la première année de service, et ensuite, pour une période plus longue fixée “équitablement” en tenant compte des circonstances particulières et de la durée des rapports de travail.

Un contrat de travail ou une CCT peuvent fixer des durées plus longues et des conditions plus favorables à l’employé. Il s’agit ici typiquement d’une disposition semi-impérative, comme le précise l’art. 324a al. 4 CO.

Dans le cas où aucune CCT ni contrat de travail ne prévoient une durée plus longue, les échelles bernoises, bâloises et zurichoises seront applicables, selon la pratique des tribunaux, afin de déterminer la durée de l’obligation du maintien du salaire en fonction de l’ancienneté du travailleur. Par exemple, un travailleur en Suisse romande bénéficiera, dans sa septième année de service, d’une couverture de salaire d’une durée de trois mois. La durée de versement du salaire est calculée par année de service, qui, successivement, donne droit à un nouveau crédit. En d’autres termes, le crédit de salaire vaut “pour l’ensemble des causes d’empêchement” (ATF 124 V 291).

Il est également important de signaler que l’employeur ne peut licencier un travailleur en incapacité de travail – dans la mesure où ce dernier s’est retrouvé dans une telle situation sans sa faute – et ce, durant 30 jours dès la première année de service, 90 jours de la seconde à la cinquième année de service et enfin 180 jours à partir de la sixième année de service. Aucun devoir d’annonce de la maladie auprès de l’employeur n’est exigé du travailleur dans un tel cas, contrairement à ce que nous avons traité précédemment.

Chaque nouvelle maladie, pour autant qu’elles soient différentes les unes des autres, ouvre une période de protection distincte, de sorte que si deux maladies différentes se déclarent durant la première année de service, la période de protection sera au maximum de 60 jours.

Si un licenciement intervient durant la période de protection prévue à l’art. 336c al. 1 let. b CO, c’est-à-dire durant une incapacité de travail partielle ou totale notamment à la maladie, et non imputable à la faute du travailleur, la notification du congé sera nulle de plein droit.

Notons que le travailleur ne recevra évidemment aucune indemnité de chômage partiel tant qu’il demeurera en arrêt maladie.

II. Chômage partiel

a)     Définition

Selon l’art 6 de la loi sur le travail (RS 822.11), l’employeur est tenu d’éviter toute atteinte à la santé de ses employés. Il doit donc prendre toutes les mesures appropriées aux conditions d’exploitation de l’entreprise, autrement dit qui sont raisonnables autant sur l’aspect technique qu’économique.

En raison de la pandémie de coronavirus, il doit aussi veiller à ce que les exigences imposées par l’Office fédéral de la santé publique soient, dans la mesure du possible, respectées et appliquées pendant le travail. Il est aujourd’hui fortement recommandé aux collaborateurs de travailler à domicile, et la liberté de déplacement est considérablement restreinte. Cela peut avoir de nombreuses conséquences, aussi bien pour le travailleur que pour l’employeur, la plus essentielle relevant d’une baisse drastique, quoique temporaire de l’activité du travailleur dans certains domaines professionnels. Dans ce contexte économiquement difficile, une baisse de la demande peut également entraîner les mêmes conséquences.

De ce contexte particulier est né un instrument de réduction de l’horaire de travail (RHT), aussi appelé chômage partiel, permettant de pallier une baisse temporaire de l’activité et de préserver des emplois. Celui-ci prend la forme d’une indemnité, semblable à celle du chômage, versé par l’assurance chômage, mais se différenciant particulièrement par le fait qu’il n’est pas versé directement à l’employé, mais à l’employeur.

b)   Ayant droit

Ce droit à une indemnité nécessite certaines conditions pour être octroyé à l’employeur. Il faut, tout d’abord, que le travailleur ait achevé sa scolarité obligatoire, et qu’il n’ait pas encore atteint l’âge de la rente AVS. Pour rappel, il est de 64 ans pour les femmes, respectivement 65 pour les hommes en vertu de l’art. 21 al. 1 LAVS. Il est également nécessaire que le contrat de travail continue d’exister (art. 31, al. 1, let. c, LACI). En effet, en cas de dénonciation par l’une des parties, ce droit à une indemnité s’éteint.

Pour illustrer l’interdiction à ce droit, on peut prendre l’exemple d’un travailleur dont les rapports de travail ont été résiliés (art. 31, al. 1, let. c, LACI a contrario), dont l’horaire de travail n’est pas suffisamment contrôlable (art. 31, al. 3, let. a, LACI), ou encore dont la perte de travail est due à un conflit collectif du travail.

Depuis Juin 2020, il n’est plus possible d’en être titulaire pour les collaborateurs qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur. Après quelques divergences, il est de nouveau possible pour les apprentis de toucher cette indemnité sous réserve du respect de quelques conditions : la formation est poursuivie, l’entreprise a été fermée en raison des mesures des autorités ou ses activités principales ont été interdites en vertu de la loi et cette indemnité intervient à titre subsidiaire. La durée de protection s’écoule de janvier à juin 2021.

c)     Les conditions d’une indemnité RHT en cas de coronavirus

L’assurance-chômage offre aux employeurs une alternative aux licenciements imminents. L’employeur économise, grâce aux indemnités proposées, les coûts de renouvellement du personnel (frais de formation du nouveau personnel, perte du savoir-faire propre à l’entreprise, etc.) et peut disposer de main-d’œuvre à court terme. Les travailleurs ont l’avantage de ne pas se retrouver au chômage et de conserver l’importante protection sociale liée au contrat de travail, évitant ainsi des lacunes dans les cotisations à la prévoyance professionnelle.

Pour rappel, il n’est possible pour les entreprises de demander des indemnités RHT en lien avec le coronavirus qu’en cas de mesures prises par les autorités (art. 32, al. 3, LACI cum art. 51, al. 1, OACI) ou pour des raisons dites économiques (art. 32, al. 1, let. a, LACI).

Outre un rapport de travail stable et un horaire de travail contrôlable, il est également nécessaire que la perte de travail soit « vraisemblablement temporaire et qu’on ne puisse s’attendre à ce que l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail permette de maintenir les emplois » (art. 31, al. 1, let. d, LACI). Un seuil minimal de 10% de pertes sur l’ensemble des heures de travail de la période de décompte est essentiel (art. 32, al. 1, let. b, LACI). Enfin, il est primordial que cette perte de travail ne soit pas imputable à des circonstances qui relèvent du risque normal d’exploitation (art. 33, al. 1, let. a, LACI).

Il est tout à fait possible pour les travailleurs de refuser cette indemnité. Dans ce cas, l’employeur doit continuer à leur verser l’intégralité de leur salaire, mais les travailleurs qui font ce choix se retrouvent exposés, par la suite, à un risque accru de licenciement.

d)   Procédure

À compter du 20 mars 2021, toutes les demandes sont octroyées sans délai de préavis et pour une durée maximale de 6 mois par le biais d’un formulaire disponible sur l’office du canton de Genève à l’adresse suivante : https://www.job-room.ch/kae/covid19

C’est à l’employeur de faire la demande pour les indemnités, les caisses de compensation de l’AVS en examineront la validité. Si la demande est acceptée, une indemnité est accordée à l’employeur qui doit continuer à verser le salaire à ses employés. Les employeurs doivent verser aux employés un salaire qui correspond à 80% de la perte de gain.

Auteurs : Pierre-Alexis Rémondin, Ilona Raymond