Introduction

 

L’impôt sur la fortune est une spécificité helvétique ou presque. Il est construit de façon à être complémentaire à l’impôt sur le revenu. Pour le premier, la compétence est laissée aux cantons, tandis que  pour le deuxième il est du ressort de la Confédération. La déclaration fiscale annuelle prélève en même temps ces deux impôts sur la base d’un calcul total.

Qui est tenu de payer l’impôt sur la fortune à Genève ? Sur quoi porte-t-il ? Qu’est-ce qui est déductible ? Voici l’échantillon du panel de questions que tout particulier a déjà dû se poser et leur réponse n’est pas toujours évidente. 

Le présent article vise à mettre en lumière les principaux éléments qui permettent de décrypter les principes sous-jacents de l’imposition sur la fortune.

I. Assujettissement illimité

L’assujettissement illimité est un point central puisqu’il va permettre au contribuable de savoir si sa fortune va être imposée en Suisse et plus précisément à Genève. La réponse à ce sujet est traitée par la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct (LIFD)1, la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID)2 ainsi que par la loi du 27 novembre 2009 sur l’imposition des personnes physiques (LIPP)3.

  1. Conditions

Le contribuable est assujetti à l’impôt à raison du rattachement person­nel lorsque, au regard du droit fiscal, il est domicilié ou séjourne en Suisse (art. 3 al. 1 LIFD ; art. 3 al. 1 LHID ; art. 2 al. 1 LIPP). On entend par domicile fiscal en Suisse, le lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir durablement (art. 3 al. 2 LIFD ; art. 3 al. 2 LHID ; art. 2 al. 2 LIPP). Deux conditions marquent le domicile :

  1. Le séjour (condition objective)
  2. L’intention de s’y établir (condition subjective)

Une personne séjourne en Suisse au regard du droit fiscal lorsque, sans interruption notable, elle y réside pendant 30 jours au moins et y exerce une activité lucrative. Elle peut également y résider pendant 90 jours au moins sans y exercer d’activité lucrative (art. 3 al. 3 LIFD ; art. 3 al. 1 LHID ; art. 2 al. 3 LIPP). Afin de démontrer l’intention de s’établir durablement en un lieu, il est nécessaire qu’un tiers puisse déduire cette intention par le biais de circonstances reconnaissables. La volonté intime d’une personne n’importe que peu4.

 

Il est à noter, aux termes de l’art. 24 du Code civil suisse, que toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu’elle ne s’en est pas constitué un nouveau. Cela signifie qu’une personne qui change de canton ou de pays reste assujetti illimité tant qu’elle ne peut démontrer qu’elle a acquis un nouveau domicile.

  1. Effets

Le contribuable assujetti illimité soumet à l’impôt l’ensemble de ses revenus et, en droit cantonal, de sa fortune (cf. infra). Cette imposition est indépendante de la source des revenus ou du lieu de situation de la fortune.

II. Impôt sur la fortune

  1. Objet 

L’objet de l’impôt sur la fortune est la fortune nette (art. 13 al. 1 LHID). Elle englobe additionnellement les actifs de l’assujetti, soit ses valeurs patrimoniales et ses possessions, après la déduction des dettes. Le droit genevois précise que ledit impôt frappe la fortune mobilière et immobilière (art 13 al. 1 LHID et art. 46 LIPP). Toutefois, les immeubles localisés hors du canton ou à l’étranger sont exclus, mais comptabilisés pour la fixation du taux; on parle d’exemption avec progressivité. Les actifs s’entendent donc comme les choses mobilières et immobilières, notamment des immeubles situés dans le canton, des valeurs mobilières, des créances, divers capitaux ainsi que les actifs d’une entreprise, l’argent liquide, des bijoux et des assurances à leur valeur de rachat (art. 46 LIPP). Autrement dit, les actifs imposables sont tout ce qui peut être considéré comme un moyen de paiement ou des droits appréciables en argent avec une valeur marchande. Le mobilier de ménage et les objets personnels d’usage courant font exception (art. 13 al. 4 LHID).  Il s’agit essentiellement de l’ameublement d’une habitation, des vêtements, d’ustensiles ménagers, des livres, en somme des biens utilisés quotidiennement par le contribuable et sa famille. Quant aux objets d’art, ils ne sont pas soumis à l’impôt sur la fortune, à condition qu’ils soient détenus à des fins personnelles et non d’investissement (art. 55 let. a LIPP). L’élément déterminant est l’utilisation dudit bien. L’intégralité des dettes est déductible de l’impôt de la fortune (art. 56 LIPP). Il existe des déductions sociales inhérentes à la qualité du contribuable et du nombre de personnes qu’il a à charge (art. 58 LIPP). En revanche, les prestations périodiques privées telles les rentes et les contributions d’entretien ne sont pas déductibles. 

  1. Évaluation 

L’impôt sur la fortune est déterminé d’après l’état de la fortune acquise à la fin de la période fiscale, soit le 31 décembre de l’année pour laquelle l’impôt est dû (art. 49 al. 1 LIPP). La fortune est évaluée à l’aune de sa valeur vénale (art. 14 al. 1 LHID cum art. 49 al. 2 LIPP). Il est question du prix de vente dans des conditions normales et actuelles d’un marché libre. Sont concernés les biens dont la valeur vénale est aisément déterminable. C’est le cas de valeurs cotées en bourse et d’actions. 

 

Dans les cas des immeubles, ceux-ci sont divisés en différentes catégories auxquelles des règles particulières sont attachées. À titre exemplatif, les immeubles locatifs sont évalués par le biais de la capitalisation de l’état locatif durant la période d’assujettissement (art. 50 let. a LIPP). Les immeubles commerciaux et industriels sont évalués en fonction de la valeur du terrain et des installations (art. 50 let. b LIPP). Pour le reste, excepté les immeubles agricoles, ce sont des commissions d’experts qui les évaluent selon des principes légaux (art. 50 et 52 al. 2 LIPP). Selon les administrations fiscales cantonales, la valeur vénale d’un bien immobilier n’a pas besoin d’être réévaluée chaque année. 

 

Pour les biens de la fortune commerciale, le référentiel est leur valeur comptable (art. 14 al. 4 LHID). 

  1. Calcul

Dans le canton de Genève, le taux de l’impôt sur la fortune s’élève à 1%. Il est progressif et dépend d’un découpage en tranche (art. 59 LIPP). Des centimes additionnels cantonaux et communaux sont ajoutés en fonction des montants. Le contribuable est également assujetti à une taxe supplémentaire opérant selon le même mécanisme (art. 59 al. 2 LIPP). 

Conclusion

Le prélèvement de l’impôt sur la fortune est une particularité qui peut alourdir plus ou moins la facture fiscale selon le canton de domicile du contribuable puisque chaque canton est libre d’en fixer son taux, comme il l’entend. 

 

Au vu des éléments susmentionnés, pour être soumis à l’impôt sur la fortune, l’assujetti doit avoir son domicile fiscal en Suisse, et dans notre cas, à Genève. Le lieu géographique où est située la fortune importe peu. Autrement dit, elle pourrait très bien se trouver à l’étranger, l’assujetti reste imposable sur celle-ci, à Genève.

Auteurs: Romane BAGNOUD et Rafael FREIERMUTH, 29 Juin 2022

1 RS 642.11.

2  RS 642.14.

3 D 3 08.

4 Oberson Xavier, Droit fiscal suisse, 5ème éd., Bâle (Helbing Lichtenhahn), 2021, p. 86, Chap. 6 N 4.