Nous avons tous entendu parler des cryptomonnaies et tout particulièrement du bitcoin. C’est un sujet complexe, mais aussi très intéressant d’un point de vue fiscal. Dès lors, nous allons analyser le traitement du bitcoin. Cet article s’appuiera essentiellement sur un document de travail¹ élaboré par l’Administration fédérale des contributions (ci-après AFC).

I. Définition

Selon la FINMA, les bitcoins sont qualifiés de jetons de paiement “payment token”², ce sont des droits-valeurs numériques qui peuvent être utilisés comme un moyen de paiement. La personne qui émet le bitcoin, l’émetteur, n’a pas d’obligation de fournir des services ou de payer l’investisseur³.

II. Le traitement fiscal du bitcoin comme jetons de paiement

1. Impôt sur la fortune, impôt anticipé et droits de timbre

Les jetons de paiement sont considérés comme des capitaux mobiliers⁴, dès lors, l’impôt cantonal sur la fortune s’applique (art. 13 al. 1, 14 al. 1 LHID). Pour votre déclaration d’impôt, il est nécessaire de prendre la valeur vénale à la date du 31 décembre (art. 14 LHID). Pour cela, l’AFC a dressé une liste des valeurs vénales des cryptomonnaies⁵. À défaut d’y être inscrit, nous devons prendre la valeur de marché, c’est-à-dire la valeur sur la plateforme de trading. Il peut arriver que la cryptomonnaie ne figure pas sur la liste et n’ait pas de valeur sur la plateforme de trading. Dès lors, la valeur à déclarer est le prix d’achat initial converti en francs suisses⁶. Selon l’AFC⁷, lorsque que les jetons de paiements ne sont qu’un moyen de paiement numérique, ni l’impôt anticipé, ni le droit de timbre ne s’appliquent (art. 4 al. 1 LIA ; art. 1 al. 1 let.a et b LT).

2. Détention et aliénation du bitcoin sous l’angle de la fortune privée

La détention du bitcoin, grâce à l’achat sur des sites de cryptomonnaies, n’est pas soumise à l’imposition sur le revenu, puisqu’en principe, cela n’en crée pas un (art.16 al. 1 LIFD)⁸. Lors de l’aliénation, il peut arriver que la valeur change entre l’achat et la vente du bitcoin, un bénéfice ou une perte peut alors exister. Selon la pratique de l’Administration fédérale⁹, lorsque de tels résultats surviennent, la plus-value est considérée comme un gain en capital non imposable et la perte n’est pas déductible (art. 16 al. 3 LIFD ; art. 17 al. 1 LIFD). Ces hypothèses ne concernent que le cadre de la fortune privée.

3. Aliénation du bitcoin sous l’angle d’activité lucrative indépendante

Lorsque des bénéfices ou des pertes résultent d’une activité lucrative indépendante par l’achat et la vente de la cryptomonnaie, ceux-ci sont soumis à l’impôt sur le revenu et les pertes sont déductibles à condition d’avoir étécomptabilisées (art. 18 al. 2 LIFD)¹⁰. Pour savoir si l’aliénation de la cryptomonnaie résulte d’une activité lucrative indépendante, une analyse doit être effectuée à l’aune de cinq critères cumulatifs établis par la Circulaire n°36 de l’AFC¹¹. En cas de réponse positive au vu de la Circulaire, nous sommes dans le cadre de la fortune privée¹². Nous allons les citer brièvement.

A. Les titres vendus ont été détenus durant 6 mois au moins.

B. Le volume total des transactions ne représente pas, par année civile, plus du quintuple du montant des titres et des avoirs au début de la période fiscale.

C. La réalisation de gains en capital provenant d’opérations sur titres n’est pas nécessaire en vue de remplacer des revenus manquants ou ayant cessé dans le but d’assurer le train de vie du contribuable. Cela est normalement le cas lorsque les gains en capital réalisés représentent moins de 50% du revenu net de la période fiscale considérée.

D. Les placements ne sont pas financés par des fonds étrangers ou les rendements de fortune imposables provenant des titres (par ex. les intérêts, les dividendes, etc.) sont plus élevés que la part proportionnelle des intérêts passifs.

E. L’achat et la vente de produits dérivés se limitent à la couverture des positions-titres du contribuable.

Une critique¹³que nous partageons doit être mentionnée pour la première condition. Le bitcoin est un actif volatil, le cours du bitcoin change constamment. Dès lors, devoir conserver le bitcoin pendant 6 mois paraît problématique et plus particulièrement lorsque sa valeur est en chute.

4. Le bitcoin dans les rapports de travail

Dans le cadre des rapports de travail¹⁴, l’employeur qui verse des bitcoins comme salaire ou à raison de prestations accessoires sont considérés comme des revenus, l’impôt sur le revenu est donc applicable (art. 17 al. 1 LIFD).

III. Conclusion

Nous pouvons conclure qu’à l’heure actuelle¹⁵, le traitement fiscal des cryptomonnaies n’est pas régi à l’aune de dispositions formelles, mais par des nouvelles pratiques de l’Administration fédérale. Il n’est ainsi pas surprenant de voir dans le futur une évolution légale concernant le traitement du bitcoin.

 

Auteurs : Mathis VANDY, 15 décembre 2022

¹ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS, Les cryptomonnaies et les initial coin/token offerings comme objet de l’impôt sur la fortune, le revenu et le bénéfice, l’impôt anticipé et les droits de timbre.

²AUTORITÉ FÉDÉRALE DE SURVEILLANCE DES MARCHÉS FINANCIERS, Guide pratique pour les questions d’assujettissement concernant les initial coin offerings (ICO), p. 4.

³ ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS, cf. 1, p. 4.

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS, cf. 1, p. 4.

https://www.ictax.admin.ch/extern/fr.html#/ratelist/2022.

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS, cf. 1, p. 4.

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS, cf. 1, p. 5.

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS, cf. 1, p. 4.

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS, cf. 1, p. 4.

¹⁰ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS, cf. 1, p. 4.

¹¹NEY Frédéric, Le traitement fiscal lié à l’émission de jetons d’utilité et de jetons d’investissement au moyen de la technologie << blockchain>>, in Revue de droit fiscal (RDAF) 2020, p. 163.

¹²ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS, Circulaire no 36 du 27 juillet 2012 sur le commerce professionnel de titres, p. 3.

¹³NEY Frédéric, cf. 11, p. 164.

¹⁴ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS, cf. 1, p. 4.

¹⁵NEY Frédéric, cf. 11, p. 142.